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Je ne suis ni ta beurette, ni ta rose des sables

[TW-Racisme, Sexisme, Fétichisation, Sexualisation]

“Beurette”. C’est un mot qui connote tellement d’idées péjoratives, déshumanisantes, réduisant ainsi les femmes et personnes non-binaires nord-africaines à une représentation fantasmée, fétichisée, sexualisée. Comme si elles ne se résumaient qu’à un simple objet de désir, ou qu’elles incarnaient l’image de “la femme superficielle”. Ce mot correspond à tellement de représentations racistes et sexistes. Ici, je parlerai essentiellement de mon expérience avec ce mot. Je rappelle, avant de commencer, que mes adelphes sont entièrement légitimes pour utiliser ce terme dans le but de se le réapproprier ou de s’autodésigner par celui-ci.

Pour ma part, je n’ai jamais aimé ce mot. Je suis née dans une famille maghrébine profondément musulmane et très attachée aux traditions culturelles. Enfant je n’avais pas encore peur de parler de mes origines, des traditions que j’appréciais. Mais dès la primaire, j’ai compris qu’on vivait dans un pays raciste, un jour je pense vous raconter quel a été ce moment déclencheur. Plus tard j’ai donc porté une grande attention aux mots que l’on employait, aux blagues, aux clichés racistes que l’on faisait passer pour des simples plaisanteries, alors qu’il s’agissait de violences.

Au collège, j’entendais souvent le mot “beurette” pour désigner une fille “arabe”, mais avec le temps, je remarquai qu’il était également utilisé pour parler d’une “fille arabe superficielle”. Cette idée s’est étendue sur toutes les filles : les garçons disaient “beurette” pour toute fille paraissant “superficielle, se maquillant beaucoup trop” ou en tant que synonyme du fameux “pot de peinture”, pour critiquer les filles, femmes et personnes non-binaires qui portent beaucoup de maquillage, qui sont passionnées par le maquillage, ou qui se maquillent tous les jours. On retrouve encore aujourd’hui cette vision très sexiste autant chez les hommes, garçons cis blancs (qui en plus d’être sexistes sont racistes) que chez les hommes, garçons cis racisés.

Cependant, dans mon vécu, les mots “beurette” et le célèbre “rose des sables” apparaissaient souvent dans la bouche des hommes cis blancs que j’ai fréquentés au cours de ma vie. Vous devinez sans difficulté que je ne risque plus de les revoir, vu les termes qu’ils ont employé pour me désigner, sans parler de la façon dont ils l’ont utilisé (infantilisation notamment: “ma petite beurette”….) Sur les sites de rencontres, c’était des “j’aime les arabes, je les trouve tellement exotiques” ou encore “je fantasme sur les arabes”. Je n’avais pas encore vécu la fétichisation. Alors que je n’avais que 16 ans, je suis sortie avec un homme cis blanc de 19 ans. Au-delà de cette relation toxique qui a duré deux ans, cet ex a de nombreuses fois fait des remarques racistes, dont le “je trouve les arabes jolies, elles sont si sensuelles”. Certaines personnes pourraient se dire “ça va, c’est un compliment”. Sauf que non, il n’en est rien, car il réduit les femmes et personnes non-binaires nord-africaines, arabes, à un fantasme, une fétichisation ancrée dans les représentations sexistes.

La rose des sables, c’est une image qui se rapproche de cette vision nauséabonde, en plus de cette intention de valider ou non la beauté ou supposée beauté d’une personne. “Bravo tu es dans les normes de nos fantasmes racistes et sexistes”. Voilà ce que j’entends dans le fameux “rose des sables”, cette image d’une femme ou personne non-binaire “arabe” “sensuelle”, “belle”, que l’on reçoit en prétendant qu’il s’agit d’un compliment. Nous ne sommes pas des objets. Nous ne sommes pas des fantasmes. Je ne suis ni ta beurette, ni ta rose des sables.

Le racisme et le sexisme ne sont pas seulement des actes de violences physiques. Ce sont aussi des oppressions que l’on retrouve dans ces stéréotypes banalisés, inscrites culturellement dans une Société patriarcale profondément raciste. Ce sont des mots et des figures qui perpétuent une vision très éloignée de la réalité, à la fois réductrice et essentialiste. Quand il m’est arrivé de faire la remarque à ces personnes, aussitôt elles ont cherché des excuses, “oui, mais c’était pour dire des mots gentils”. Que les intentions soient bonnes ou non, n’utilisez tout simplement pas ces termes pour désigner une personne qui n’a rien demandé, et surtout dont vous ignorez la violence dont ils sont imprégnés.

Se détacher de ces représentations, certes, ce n’est pas inné. On se déconstruit au cours de notre vie parce qu’on est né.e.s dans un contexte et un environnement hostiles. Personne ne prend conscience de tout cela par pur hasard, on vit des expériences, on rencontre des gens, on apprend tous les jours sur ce qui nous entoure. Mais il est fondamental d’écouter la parole des concerné.e.s qui peuvent éclairer et/ou compléter les ressources disponibles sur ces sujets. Il faut se renseigner quand on relève l’usage d’un mot avant d’utiliser ou de réutiliser des termes qui ont une signification, une histoire, allant au-delà de la simple intention ou de la parole.

L’excuse “ce sont que des mots”, j’en ai vraiment assez de l’entendre. De plus, on voit toute l’hypocrisie des gens quand iels s’offusquent d’un “j’aime pas les blanc.h.e.s”, en hurlant au racisme, tandis que les personnes racisées reçoivent une avalanche de propos oppressifs, malveillants et haineux quand elles trouvent la force de dénoncer, apportent des critiques, expliquent en quoi le racisme est systémique et témoignent. Et les hommes cis, même racisés, ignorent trop souvent l’agressivité qui émane de ces “simples mots”.

Il est important de rappeler que oui, entre ami.e.s, il arrive qu’on l’utilise, avec des gens que l’on connaît, en qui on a confiance, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il faut l’utiliser pour désigner les autres quand on ne vous a rien demandé, ou pour désigner une catégorie de personnes.

À titre personnel, si ce sont mes adelphes qui me désignent avec ce mot, je tolère, mais j’explique pourquoi cela me gêne (sauf s’il s’agit d’ironie), et pour toutes les autres personnes je le recevrai toujours, et systématiquement, comme une insulte. Je ne suis pas un objet sexuel, ni une peinture orientaliste. Je suis fière de mes origines, mais mon existence ne se limite pas à celles-ci.

Si vous avez des recommandations ou des critiques constructives à apporter, des articles, des livres, des comptes à conseiller ou des remarques à faire, n’hésitez pas à commenter. Prenez soin de vous, et à bientôt.

Quelques ressources

Pour revoir un peu l’historique du mot “beurette”, je vous conseille cet article:

Lien - https://information.tv5monde.com/terriennes/beurette-genealogie-d-un-terme-sexiste-et-raciste-312225.

Certains aspects de celui-ci peuvent être critiquables, mais il fournit des informations qui permettent de mieux comprendre son histoire.

Quelques comptes à suivre (listes non exhaustives)

Des comptes twitter de personnes racisées que vous pouvez suivre:

  • louzlapoetesse
  • LeilaWarlock
  • RokhayaDiallo
  • kelsiphung
  • napilicaio
  • liamourfou

Des collectifs disponibles sur twitter que vous pouvez découvrir:

  • DesRacine_e_s
  • Lavoixracisee
  • CIrrecuperables
  • racisees_vs_gdr
  • afrofemfr

Sur instagram:

  • habibitch
  • arts_blossom_

Des collectifs sur instagram également:

  • decolonisonsnous
  • assolallab

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  • kiffetarace (sur twitter et Youtube)
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