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De la trahison et la révolution en famille

Et toi, là, ça te dit de partir en queue de poisson dans une révolution en famille?

couverture de tè mawon de michael roch présentant de l’art abstrait

J’ai fini Tè Mawon de Michael Roch chez La Volte et ce fût sérieusement une lecture très mitigée pour ma part au final.

Je vais essayer de décortiquer du mieux que je le peux mon ressenti mais c’est pas dit que j’y parviendrai…

Pour reprendre l’histoire, on raconte ici un futur dystopique dans les Antilles à coups de béton et de solutionisme techno facile qu’adorent les corpos capitalistes, à grands renforts d’illusions de nanobots (dans le genre, on fait rien pour l’enviromment, quoi) dans lequel une révolution essaie tant bien que mal de percer et d’y prendre racine. Enfin ça, c’est au final en background ou middleground parce que sur le devant de la scène, on reprend les codes d’un drame ou d’une (ici écourtée) saga familial.e tout ce qu’il y a de plus classique reposant sur une, voire des, trahison.s. Oui, mais on reprend ça en filigrane…

Et la révolution aura lieu/sera instiguée/narrée quasi seulement en famille.

L’idée de base me plaisait bien: une contre dystopie se passant dans les antilles qui est décolonialiste et potentiellement féministe, anti-capitaliste et anarchiste, le tout vu du cercle restreint d’une famille. Oui, sauf que… bilan mitigé: oui, la critique sociale est là mais elle manque de mordant ; ça aurait pu être du hopepunk mais l’ambition énorme qu’on entrevoit au début est freinée, jusqu’à l’arrêt complet. Il y a un mur là, comme qui dirait, qu’on ne nommera pas vraiment… (ooh, la réf facile aux Dispossessed de Le Guin! oui, j’assume)

Il y a un vrai travail sur les langues qui a été fait, que j’ai beaucoup aimé lire (et qui peut bel et bien rendre la lecture exigeante, comme l’ont noté certain.es critiques plus expérimenté.es que moi) et bien qu’on peut avoir du mal à rentrer dans l’histoire avec la narration confuse au début, l’histoire est bien ficelée, avec les rebondissements pouvant être quelque peu surprenants.

La polyphonie va très bien ici mais le choix d’articuler quasi tous les points de vue autour des persos de la même famille plongée dans une trahison familiale basée sur une cocufication rend l’histoire stéréotypée. (tu vois, les sagas familiales médiévales, genre médicis ou autres familles là? avec le stéréotype de la sœur, du frère ou deu lae cousin.e qui couche avec l’époux.se d’un des persos et ça part en magouilles jusqu’à virer bien vite à la guerre…) ça, associé aux (not so finely veiled) vibes vaguement misogynes dans le traitement des deux principales protag femmes (qui sont par ailleurs les deux seuls points de vue féminins auxquels on a accès directement) ; des persos de sœurs devant travailler ensemble qui se trahissent l’une l’autre donc. (genre, oui, l’histoire de jalousie avec une femme (# 2) qui couche avec le mari de sa sœur (# 1) et puis l’une des deux sœurs (# 1) traite l’autre (# 2) (quand bien même intérieurement) de “porte-seins opportuniste” (p. 145) ou le bioessentialisme/cissexisme (p. 190) emmenant la même sœur (# 1) à se rabaisser jusqu’à une misogynie internalisée du fait qu’elle a “échoué” à mettre au monde son enfant, et par là même dans “son rôle de femme-mère” et quand elle a ensuite fait le choix du transhumanisme et de plus avoir d’utérus itou, elle continue de se voir en moins que femme/rien car elle n’a plus du tout de possibilité d’engendrer et donc “échec en tant que femme-mère” ; tout ça reste basé sur des stéréotypes misogynes et ce même si on finit par entrevoir une voie de réconciliation pour elles… à la toute fin, vers les dix dernières pages) avec la notion validiste de traiter des persos d’impurs ou de purs selon qu’iels aient des prothèses technologiques ou non… (et je viens de réaliser bien après l’écriture initiale de cette chronique qu’on peut faire un parallèle avec un essai de Samuel R. Delany “some queer notions about race” portant justement sur le racisme, la famille et le queer, où il est, entre autres, question de la notion de “pureté de la race” (mise en parallèle avec le queer) et du concept historique de la “race” en tant que famille (étendue) sédimentée sur plusieurs générations, bien avant que ne survienne la “racialisation” du terme par le racisme et le suprématisme blanc)

Ouais, moi qui en attendais plus (trop peut-être, en tant que nana blanche handie trans, j’en sais rien… sûrement) y’a de quoi réfréner ses ardeurs… Chuis mitigée et on reste vraiment sur sa faim avec cette fin où rien n’a changé au final (on nous promet/laisse entrevoir un changement au début puis pouf, poudre aux yeux, et une conclusion trop rapide où on nous laisse présager d’autres opportunités de changement sans trop s’avancer ; ça aurait pu être du hopepunk s’il y avait eu un vrai changement quelque part mais là, ça ressemble plus à une base sur laquelle on aurait aimé voir les persos mettre la main à la pâte…)

niveau d’emmerdement: 1 à 4, voire 5 pour le début / 10

note générale : 5 à 7 / 10

ps: je tiens à remercier les deux personnes (qui se reconnaîtront si iels passent par là) qui m’ont aidé à rendre cette chronique plus carrée!